Omégas 3: quel ratio?

« Ces produits naturels vous rendent fou? »
« Ma voisine m’a recommandé… »
« J’ai lu sur Internet que le produit XYZ était extraordinaire pour… »
La série de chroniques « Ces produits naturels vous rendent fou? » a pour but d’apporter des réponses claires aux questions que vous posent tous les jours vos patients sur les produits de santé naturels.
Vous y trouverez
Une analyse pragmatique des données disponibles (scientifiques et/ou traditionnelles) et, selon la question, une explication des mécanismes d’action, des indications et des précautions, le tout arrosé de références, de plusieurs années d’expérience et d’une bonne dose de gros bon sens.
Vous n’y trouverez pas
De conclusions comme « Les données sont insuffisantes pour… » ou « Nous avons besoin de plus de recherches… »
Pourquoi ces chroniques?
Les produits de santé naturels existent. Nos patients en prennent et ils cherchent des réponses. Ils ne veulent pas savoir que telle étude est concluante et que telle autre ne l’est pas. Ce qu’ils veulent savoir, c’est si le produit X est leur meilleur choix, s’il leur donnera des résultats et/ou des effets secondaires.
Je ne promets pas l’impossible, mais le but de cette chronique est de vous donner les outils pour répondre à la question : « Est-ce que ce produit est bon pour moi? »
Pour le premier article de cette chronique, je m’attaque à la question: « Quel type de produit omégas 3 dois-je prendre : avec beaucoup d’AEP, beaucoup d’ADH ou les deux? »
Quelle est l’importance des différents ratios dans les produits d’omégas 3 de poisson ?
À l’exception des produits ciblés pour la dépression et les troubles de l’humeur, les ratios AEP/ADH (acide éicosapentaénoïque / acide docosahexaénoïque) des produits sur le marché sont basés sur… très peu de choses.
Voici donc l’état actuel des connaissances sur ce sujet :
Dépression et troubles de l’humeur
Pour ces indications, le poids de la preuve va vers un produit contenant environ 1000 mg d’AEP et le moins possible d’ADH.1,2 Les omégas 3 seront donc sous forme d’éthyl ester (EE), qui permet de moduler facilement les ratios, plutôt que sous forme de triglycéride (TG).
Inflammation
Pour les indications d’inflammation, la logique voudrait qu’on utilise surtout de l’AEP puisqu’il est le précurseur des éicosanoïdes anti-inflammatoires (médiateurs chimiques produits par les cellules). Par contre, les études ont presque toutes été faites avec des huiles de poisson sous forme de TG (contenant donc une proportion importante d’ADH).3 D’ailleurs, on a récemment découvert des médiateurs chimiques anti-inflammatoires dérivés de l’ADH, qu’on nomme docosanoïdes.4
Cardiovasculaire
Concernant les indications cardiovasculaires, il n’y a pas de consensus sur la prédominance d’un oméga 3 sur l’autre. Vous trouverez plusieurs études qui utilisent des produits plus riches en ADH, et tout autant qui utilisent des produits plus riches en AEP. Les experts s’entendent pour recommander des dosages globaux d’omégas 3, sans mentionner de ratio.
Développement du cerveau
Les données sur l’ADH dans le développement du cerveau utilisées par les fabricants sont correctes. En effet, le cerveau du fœtus, des nourrissons, et des enfants jusqu’au début de l’adolescence (dernière période de croissance du cerveau) a la capacité de fixer l’ADH comme matériau de construction. Quant à nous, pauvres adultes, nous avons beaucoup moins cette capacité. Ainsi, l’ADH a montré la capacité de prévenir le déclin cognitif si et seulement si il est consommé sur une très longue période, c’est-à-dire la vie durant. Ici, l’ADH n’est plus considéré comme un composé unique, mais plutôt comme un marqueur de la consommation de poisson, une habitude de vie. Vanter les mérites d’un produit riche en ADH pour prévenir l’Alzheimer ou le déclin cognitif n’est pas basé sur la science rigoureuse. C’est peut-être utile, mais ça ne renverse pas la maladie. Ce qui compte le plus, ici aussi, c’est la quantité totale d’omégas 3, pas un ratio spécifique.
Conclusion
Les omégas 3 à chaine longue sont parmi les substances les plus importantes pour la santé et les plus utiles pour une panoplie d’indications. Comme le commerce des omégas 3 de poisson est un marché mature, plutôt stable et assez bien garni, certaines compagnies y vont de stratégies plus ou moins légitimes pour se différencier de la compétition. Retenez donc qu’à l’exception des indications pour les troubles de l’humeur, la dose totale est plus importante que le rapport entre les deux omégas 3 et que la structure chimique (TG ou EE) sous laquelle ils nous sont présentés.
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Références:
- Martins JG. EPA but not DHA appears to be responsible for the efficacy of omega-3 long chain polyunsaturated fatty acid supplementation in depression: evidence from a meta-analysis of randomized controlled trials. J Am Coll Nutr. 2009 Oct;28(5):525-42. Review. PubMed PMID: 20439549. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20439549
- Appleton KM, Rogers PJ, Ness AR. Is there a role for n-3 long-chain polyunsaturated fatty acids in the regulation of mood and behaviour? A review of the evidence to date from epidemiological studies, clinical studies and intervention trials. Nutr Res Rev. 2008 Jun;21(1):13-41. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19079852
- Wall R, Ross RP, Fitzgerald GF, Stanton C. Fatty acids from fish: the anti-inflammatory potential of long-chain omega-3 fatty acids. Nutr Rev. 2010 May;68(5):280-9. doi: 10.1111/j.1753-4887.2010.00287.x. Review. PubMed PMID: 20500789. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20500789
- Schunck WH. EPA and/or DHA? A test question on the principles and opportunities in utilizing the therapeutic potential of omega-3 fatty acids. J Lipid Res. 2016 Jul 19. pii: jlr.C071084. [Epub ahead of print] PubMed PMID: 27436589. http://www.jlr.org/content/early/2016/07/19/jlr.C071084.long